Deux semaines plus tard le vent ne souffle pas très fort, il
est vendredi et je suis toujours aussi impatient de sortir une nouvelle fois
avec Eldorado. Je regarde la météo à la télévision puis sur internet afin de me
faire une idée de comment sera le temps demain, il annonce un ciel nuageux avec
vent léger NE mais pas de pluie. Les températures à cette époque sont basse
entre trois et cinq degrés maximum, il ne faut pas non plus s’attendre à plus,
on est en hiver quand même. Je me réserve le droit de passer la nuit et de
prendre ma décision demain on ne sait jamais, les prévisions sont parfois
trompeuses et près de la côte le temps est très vite changeant. Il est samedi,
Patty me réveille de bonne heure croyant peut-être que je dois aller
travailler, je la caresse mais je ne rouspète pas car un chien ne sait pas
faire la différence entre jour de semaine et week-end, je regarde par le hublot
le ciel est couvert et il ne pleut pas c’est déjà bon signe, il fait un peu
frais dans le bateau le chauffage à dut se couper il n’y a pas très longtemps.
La borne électrique pour des raisons de sécurité ne fonctionne que douze heures
d’affilé, il faut donc appuyer sur le bouton afin de relancer la minuterie.
En descendant du bateau tout le monde appuie instinctivement
sur son bouton afin de ne pas avoir de coupure, pour ceux qui comme moi habite
dessus on profite avant d’aller se coucher d’appuyer sur la borne pour avoir
une nuit complète avec du chauffage, il arrive de temps en temps qu’il soit
coupé mais c’est assez rare. Je sors du bateau en short et tee-shirt il fait frisquet
alors je fais vite et je me réfugie près du chauffage soufflant, grâce à ce
radiateur la température monte très vite et il fait de nouveau chaud. Je
prépare mon café et je rempli les deux gamelles à Patty, comme à l’accoutumé
elle boit son eau mais ne mange rien car elle sait que bientôt les petits
morceaux de pain au Nutella vont tomber. Elle reste à côté de moi assise sans
bouger et me regarde mais sa gourmandise la trahie, son regard que je croyais
diriger vers ma figure est en fait fixé sur ma main, elle la suit tel un animal
guettant une proie prêt à bondir, on ne sait jamais au cas où je prendrais un
petit bout de pain. On déjeune tout les deux, je m’habille et je pars faire un
petit tour avec elle sur la pelouse près de la capitainerie, je vais prendre
une bonne douche puis je consulte la météo sur internet. Les prévisions sont
rassurantes, elles n’ont pas changées et surtout aucune pluie annoncée donc la
sortie pourrait bien se faire.
La décision est prise je prendrais la sassée de 10h45, je me
prépare en m’habillant chaudement car il fait actuellement trois degrés alors
je mets mes anciennes chaussettes de moto puis un pantalon et enfin la
salopette étanche, pour le haut un tee-shirt, un pull, une veste polaire et ma
veste de quart que je prépare, je sors une dernière fois Patty faire ses
besoins. Je n’arrête pas de regarder le ciel pour voir ci le temps ne tourne
pas, je me décide et j’annonce à Dunkerque VTS sur le canal 73 mon intention de
prendre la sassée de 10h45, elle est enregistrée et je sais qu’à partir de ce
moment la je ne peut plus faire marche arrière, les minutes passent et
l’angoisse monte incroyablement, pleins de questions me passent par l’esprit,
est-ce que je vais y arriver car aujourd’hui je suis seul et c’est la première
fois, comment ça va se passer dans l’écluse, j’espère que je ne vais pas
accrocher le bateau ou abîmer sa coque contre le mur. Il est bientôt l’heure,
je mets le moteur en marche pour le faire chauffer un peu, pendant ce temps je
prépare drisses, amarres et pare-battages afin que tout soit en ordre. Encore
quinze minutes avant que le pont se lève il faut que je largue les amarres et
que je me présente, à partir de ce moment la je sais que je ne peux plus
reculer.
Je largue les amarres et la gorge nouée j’enclenche la
marche arrière, tout se passe bien malgré ma main qui est toujours lourde et
brutale avec la manette des gaz, je commence à faire des cercles devant le pont
de l’université. Un premier coup de sirène retenti pour prévenir que les
barrières vont s’abaisser puis une deuxième et le pont commence à se lever
doucement. J’attends qu’il soit complètement à la verticale puis je m’engage,
je regarde le haut du mat qui donne l’impression qu’il est en train de le
frôler alors qu’il n’en est rien puis me voilà dans la darse 1 en direction de
l’écluse Trystram. A ce moment la je regarde autour de moi je ne vois aucun
bateau m’accompagner, je suis en train de me demander si je ne suis pas un peu
fou de sortir à cette époque mais il est trop tard pour faire marche arrière,
en même temps je trouve ça bien, j’aurais au moins l’écluse pour moi tout seul.
L’arrivée dans l’écluse se passe bien et j’arrive au bout de deux tentatives de
m’arrimer aux pendilles, le mouvement d’eau se fait et ensuite les portes de
sortie s’ouvrent.
Je repars tranquillement et je m’engage dans le chenal comme
la première fois, les feux sont au vert, aucun bateau de pêche n’est en train
de rentrer.
J’enclenche le pilote automatique afin de pouvoir être libre de mes
mouvements et je sors la grand voile en premier, comme c’est la première fois
que je fais ça seul, je fais la manœuvre tellement vite que j’attrape très
chaud alors j’enlève ma veste de quart afin de me rafraîchir un peu car je suis
en sueur. Me voilà déjà arrivé à la sortie du port, la mer est différente de la
première sortie, elle est très agité et la houle qui entre dans le port fait
balancer Eldorado de gauche à droite, il m’est difficile de maintenir le cap à
cause de la houle et le petit vent de NE qui pousse légèrement le bateau vers
le phare, je dois monter le régime du moteur afin qu’il puisse sortir de ce
flot. Je me dirige vers le centre du grand chenal pour partir en direction de
Gravelines, je coupe le moteur et comme je n’ai pas l’habitude de ce grand
voilier, je préfère naviguer au départ à la grand voile comme m’avait conseillé
M. CHARLET mais ça été une erreur de ma part, le bateau commence à ralentir et
n’est plus que poussé par le léger vent. Au bout de plusieurs minutes le bateau
continu de ralentir de plus en plus, comme je l’ai dit plus haut la grand voile
ne sert pas à la propulsion du bateau sous voile, elle est une aide pour le
génois mais aussi pour le moteur quand on est obligé de l’utiliser pour faute
de vent. Je remets ma veste de quart car j’attrape très froid ce qui n’est pas
bon du tout, au bout d’une heure de navigation, je n’ai pas beaucoup bougé et
j’arrive à peine à dépasser la distance d’un mile, le vent ne se lève pas mais
la houle augmente, je n’arrive toujours pas à me réchauffer. Patty doit le sentir
et elle vient vers moi, peut-être a-t-elle peur aussi mais je ne pense pas car
son comportement n’a pas changé par rapport à d’habitude.
Je ne me sens pas très bien, j’ai l’impression que mon
estomac va commencer à me jouer des tours, j’ai encore au moins deux bonnes
heures avant de devoir rentrer pour la sassée de 15h30 alors plutôt que de me
laisser ballotter par les flots je remets le moteur en marche et met le pilote
automatique, je rentre la grand voile énergiquement, enfin pour avouer avec le
peu d’énergie qui me reste car la nausée commence à ce faire sentir. Une fois
que les drisses sont lovées, je reste toujours en direction de Gravelines mais
je reste assis pour voir si ça ne passera pas mieux mais c’est tout le
contraire, mon estomac ne fait qu’un tour et me voilà en un instant penché vers
l’extérieur du bateau pour vider tout ce qui me reste dans l’estomac, c’est un
très mauvais moment à passer puis je m’allonge en m’assurant que mon cap est
toujours bon et surtout que je ne me dirige pas sur un autre bateau empruntant
le chenal en sens inverse. Je suis toujours ballotté par les flots qui me pousse
vers ma destination mais je ne me sens toujours pas bien alors je décide de
faire demi-tour afin de rentrer au port et surtout pour avoir les vagues de
face, c’est beaucoup moins cool mais plus sportif, ça me fera peut-être passer
le mal de mer.
Au bout de plusieurs minutes ça commence à passer,
j’ingurgite une banane et demie, quoi que l’on dise ça n’empêche pas et surtout
ça ne fait pas passer le mal de mer, par contre il parait que quand on vomit
c’est moins acide. Pour ma part je ne sais pas mais ce que je peux dire c’est
qu’elle a bien passé dans mon estomac et surtout ça la caler un peu, Patty en a
eue droit également à sa demie banane malgré qu’elle ne l’a pas eue le mal de
mer. Vers 15h j’arrive à l’entrée du chenal j’ai toujours très froid et je
tremble de partout, une fois les remouds passé le calme revient enfin ça fait
du bien, je ralenti le moteur et je prépare les pare-battage, les amarres avant
de rentrer dans l’écluse. Je m’aperçois que je vais être à nouveau seul à
rentrer alors une idée me traverse, je fais des cercles dans l’eau afin de
pouvoir descendre dans le carré et annoncer à la VHF que je suis seul à bord.
Je demande alors si je peux rester en plein milieu de
l’écluse car j’ai mes mains gelées par le froid et j’ai de la difficulté à me
mouvoir, Dunkerque VTS me demande de patienter puis après quelques secondes qui
me paraissent interminable, il me donne l’autorisation de rester en mouvement
dans l’écluse du fait que nous sommes en marée haute et que le temps de sassée
ne sera pas très long, il me prévienne aussi que je devrais faire attention au
courant créé par la rentrée de l’eau pour remettre l’écluse au niveau du port
intérieur. A cet instant précis, je suis loin d’imaginer que plusieurs amis du
bassin de la marine sont en veille VHF car ils c’étaient aperçus de ma sortie
en mer. Je claque des dents tout en faisant des allées et venues dans l’écluse,
je grelote de tout mon être et j’aspire une seule chose c’est que cette porte
s’ouvre, je vocifère des mots pas très mondains envers les éclusiers car je me
demande ce qu’ils sont en train de faire, c’est beaucoup trop long. Au bout
d’un long moment la sirène retentit, le pont se lève et enfin les portes
s’ouvrent, je commence ma rentrer dans le port intérieur tout en grelottant, une
nouvelle fois le pont de l’université se lève et j’entame mon entrée dans le
bassin de la marine.
A ce moment précis ou je passe sous le pont, je me demande
mais surtout j’espère qu'une personne va venir pour m’aider car mes mains sont
complètement gelés avec en prime la première fois que je vais mettre ce géant
de douze mètres dans son emplacement, à mon grand étonnement je ne vois pas ni
une, ni deux personnes mais sept personnes qui m’attendent et qui plus est,
sont tous en train de rire comme des diables tout en m’applaudissant, Guy,
Régine, Pierre, Annie, Yannick, Luc et Michèle Grand dont j’avais fait la
connaissance m’accueillent et m’aident merveilleusement pour amarrer Eldorado.
Il me regarde et me demande si j’ai toujours froid car ils ont entendu à la
radio ma demande pour l’écluse. Je leur réponds que oui j’ai très froid et je
vais vite aller prendre une bonne douche bien méritée pour me réchauffer,
Régine me dit tout en se marrant que mes lèvres sont bleues, Pierre me dit que
je n’aurai pas dut faire la sortie seul, il voulait que je l’attende.
Luc et Michèle me comprennent mais ils me disent que pour
sortir il vaut mieux attendre le changement d’heure car à ce moment là les
journées sont un peu plus longue et qu’il fait un meilleur au niveau
température tout en comprenant bien mon envie que j’avais à faire cette
première sortie en solo, ils me disent également que la température en mer descend
de 5 degrés environ par rapport à la terre, comme il faisait 3 degrés, en mer
il faisait – 2 degrés avec un ressenti d’environ – 10 degrés. Le bateau est
solidement amarré grâce à mes amis, je vais promener Patty qui ne tient plus et
doit faire ses besoins avant d’aller prendre ma douche bien mérité. Voilà ma
première vraie sortie se termine, je me prépare à manger et pendant que ça cuit
lentement, je me permets de prendre un apéritif que je juge bien mérité avec
des cacahuètes que je partage avec ma Patty juste pour marquer le coup. Je suis
content et fier de moi j’ai déjà oublié ce froid qui ma glacé jusqu’au os et
mon mal de mer, je retiens également ce dicton que l’on m’avait dit, en mer il
faut retenir de ne pas avoir un des trois F au risque d’avoir le mal de mer,
les trois F sont : Faim, Froid et Fatigue. Ces trois mots sont maintenant
bien gravé dans ma tête et ne me quitterons plus jamais.
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